Les faits suivants se passent à Bretteville-du-Grand-Caux en 1754.
Il est bon de rappeler au préalable les obligations suivantes. Pour lutter contre les infanticides, Henri II roi de France promulgue en février 1556 un édit obligeant les femmes non mariées et veuves à déclarer leur grossesse. Depuis cette date, tous les trois mois, le prêtre était tenu de rappeler cet édit en le lisant au prône de la messe paroissiale.
Confirmé par Louis XIV dans sa déclaration du 25 février 1708, cet édit restera valable jusqu'à la révolution. Suivant ses termes, toute fille ou femme non mariée qui se soustrairait à cette obligation sera punie de bannissement voire même de mort et marquée du lys Royal au fer rouge.
C'est dans ce contexte et pour remplir cette obligation que, le 29 janvier 1754, Madeleine SERY se déplace pour passer sa déclaration au siège du Bec-Crespin. Dans cette déclaration elle cite un certain Jean BASILLE comme l'auteur de sa grossesse.
Six semaines plus tard Madeleine SERY donne le jour à une petite fille qui sera prénommée Madeleine. Celle-ci sera baptisée le samedi 16 mars 1754 à Bretteville par le vicaire, suivant le mandement émanant du siège du Baillage de Caux qui lui est remis et qui cite à nouveau Jean BASILLE comme le père de l'enfant.
Rapidement Jean BASILLE est informé ; il conteste formellement cette paternité et le fait savoir à Louis SERY père, le menaçant sans doute de représailles si il ne répare pas l'injure causée par la déclaration calomnieuse de sa fille.
On sait que le Cauchoix est têtu ... La situation s'éternise et le contentieux entre Jean BASILLE et Louis SERY prenant de plus en plus d'ampleur, ce dernier se résout quatre mois plus tard à faire une déclaration devant notaire pour mettre fin au conflit.
On connaît les termes de cette déclaration car, comme elle le précise en fin de rédaction, une copie a été insérée dans le registre de Bretteville, à la page indiquant le baptême de Madeleine SERY.
En voici la transcription :
Par devant Christophe Viellot avocat et notaire Royal au baillage de Montivilliers pour le siège de Fescamp et dépendances soussigné,
S'est présenté Magdeleine Sery et Louis Sery père, demeurant en la parroisse de Bretteville, lesquels on chacun pour leurs faits et regard déclaré de leur bonne volonté et sans suggestion scavoir la ditte Sery que la déclaration par elle passée au siège du Bec le vingt neuf janvier dernier par laquelle elle accuse Jean Basille d'estre l'auteur de sa grossesse est fausse et calomnieuse et qu'elle n'est faite que par imbécilité et sans connaître les suites d'une pareille imputation, et de la part dudit Sery père a été déclaré la mesme chose et que ce n'a été qua sa sollisitation que ladite fille a passé une pareille déclaration et faict cette imputation au dit Basille croyant le dit Sery que l'accusation ne tirerais pas a conséquence et qu'il étais nécessaire en faisant faire a sa fille sa déclaration devant le juge du Bec qu'il était également utille quelle désignast un père et ne pouvant pour le moment (+) a cause de l'imbecillité de sa fille, il pensait que parce que ledit Basille s'étais trouvé différentes fois avec sa dite fille qu'il étais l'auteur de ce malheureux commerce mais depuis ayant reconnu le vray et qu'il s'étais mépris ils passent la présente déclaration pour réparation de l'injure qu'ils auraient faite l'un et l'autre audit Basille, en foy de quoy ce fut faict et passé audit Fescamp le vingt et un de juillet mil sept cent cinquante quatre ; présence de Jean Morel et de Guillaume Marcotte tous deux de Fescamp y demeurant témoins qui ont avec nous notaire cy dessous signé et les dits Sery par leur marques ayant déclaré ne scavoir écrire et le consentement que mention soit faite de la présente sur le registre des baptême de la dite parroisse de Bretteville ; lecture faite (+ le connaître) ; lecture derechef.
nota:
On remarque que Louis SERY mentionne "l'imbécillité" de sa fille. Le sens de ce mot est différent de nos jours car à cette époque, selon le dictionnaire de Furetière, ce terme désigne des "esprits faibles en toutes sortes d'âge", ce que l'on pourrait traduire actuellement en "simple d'esprit".
sources :