Depuis les années 1730-1750, les curés prennent la bonne habitude de noter le métier des personnes mentionnées dans leurs actes. C'est ainsi que l'on découvre de nombreux bouchers. C'est l'occasion de se poser la question sur l'origine des bêtes abattues à cette époque. Un boucher d'un petit village pouvait à la rigueur élever son propre bovin ou ovin dans les prés avoisinants mais ce n'était pas possible dans les villes de plus grande importance. A la faveur d'un acte d'inhumation de 1754, on va comprendre que ces bouchers s'approvisionnaient déjà auprès d'éleveurs tout comme certains artisans bouchers de quartier aujourd'hui.
En ce mois d'août 1754 Guillaume LEFORT exerce son métier de boucher à Saint-Jouin. Il sait que dans les pâtures les bœufs ont broutés tout l'été une herbe tendre et riche, et que c'est le meilleur moment d'en trouver quelques uns pour alimenter son commerce. Il a pris l'habitude d'aller chaque année jusqu'à Radicatel, au bord de la Seine, où le marais se prête à l'élevage de bêtes de qualité, tout comme dans le marais Vernier qui lui fait face sur l'autre rive de la Seine.
Sur la carte de Cassini de l'époque, le marais de Radicatel en bord de Seine entre Tancarville et Lillebonne
Une trentaine de kilomètres séparent Saint-Jouin de Radicatel. Il leur faut donc partir le matin, à cheval, trouver le bétail souhaité dans l'après midi, dormir sur place et ramener les animaux le lendemain et les attelant à leurs chevaux. Et fin août, les journées ont déjà commencées à raccourcir ; il ne faut pas perdre de temps.
Tout se passe idéalement, comme prévu, mais en repartant du marais, le cheval de Guillaume LEFORT se cabre et lui porte un très fort coup de sabot. Deux heures plus tard, à la traversée de la grande route entre Le Havre et Bolbec, le village de Saint-Eustache-la-Forêt est en vue et Guillaume va pouvoir y trouver du réconfort. Mais le coup était si sérieux que vers onze heures il rend son âme à Dieu sans pouvoir poursuivre son chemin.
Dans ce cas de décès accidentel, il faut d'abord obtenir un mandement avant de procéder à l'inhumation. En toute hâte, on dépêche un homme pour se rendre jusqu'au baillage de Montivilliers, distant de près de 20 km. Ce mandement obtenu, le curé de Saint-Eustache-la-Forêt pourra procéder le lendemain à l'inhumation dans le cimetière de la paroisse.